Portée par une nouvelle équipe dirigeante, emlyon business school s'apprête à relever de nouveaux défis avec l'engagement et le soutien stratégique d'un actionnariat innovant. Pourquoi ce choix d'ouvrir son capital ? Quels rôles pour les investisseurs ? Quels impacts sur la stratégie de l'Ecole ?

Isabelle Huault, Présidente du Directoire & Directrice Générale d'emlyon business school et Jean Eichenlaub, Président de Qualium Investissement et du Conseil du Surveillance d'early makers group, reviennent sur les contours de ce modèle pionnier.

emlyon business school est la première grande école consulaire à faire appel à des investisseurs privés. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Isabelle Huault : « Ce choix s'inscrit dans la continuité d'une transformation profonde enclenchée il y a déjà quelques années. Sous l'impulsion innovante de la Chambre de commerce et d'industrie Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne, fondatrice et actionnaire historique de l'Ecole, nous avons fait évoluer notre structure juridique en septembre 2018 en devenant une Société Anonyme — « early makers group ». La première pierre d'un processus permettant de renforcer les fonds propres de l'Ecole : d'une part, pour compenser la baisse programmée des dotations des CCI en France et, d'autre part, pour donner une impulsion supplémentaire au déploiement de ses projets stratégiques. Il était donc essentiel pour notre Ecole d'opérer ce changement pour accélérer la réalisation d'un projet pédagogique d'excellence, répondant aux nouveaux enjeux du secteur de l'enseignement supérieur marqué aujourd'hui par deux grands mouvements de fond : l'intégration des enjeux écologiques et la transition numérique. L'entrée d'investisseurs privés au capital, actée en septembre 2019, est simplement la suite logique de cette évolution. »

Pourquoi avoir fait le choix de Qualium Investissement et Bpifrance comme investisseurs ?

Isabelle Huault : « Ce processus, piloté et encadré par la banque d'affaires Natixis Partners, a été mené avec professionnalisme et prise en compte de la spécificité de l'Ecole comme de sa mission éducative. Il a permis d'étudier plusieurs projets de qualité, de mener des discussions de fond pour expliquer le projet de l'Ecole et ses particularités et d'aboutir à la signature d'un accord parfaitement en phase avec le modèle d’excellence d’emlyon. Ce choix s’est appuyé fondamentalement sur la compatibilité des valeurs et le partage d’une vision commune pour l’Ecole et ses projets de développement. Enfin, je tiens à préciser que ce projet a été soutenu à l’unanimité par les élus de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne et soumis, au préalable, à la consultation des instances représentatives du personnel et à l’autorisation des autorités de la concurrence. »

Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?

Jean Eichenlaub : « Pour Qualium Investissement — et je pense pouvoir aujourd'hui dire la même chose pour Bpifrance — c'est avant tout la conviction que ce modèle pionnier va permettre à emlyon de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre de sa stratégie ambitieuse. Nous avons mené une étude approfondie de l'Ecole, nourrie par de nombreux échanges avec les équipes pédagogiques comme avec la CCI et ses équipes dirigeantes. Son positionnement unique illustré par son excellence académique et pédagogique (multiples accréditations, rang au sein des classements nationaux et internationaux…) et son savoir-faire en termes de développement de nouvelles offres à travers l'innovation pédagogique et les partenariats à l'international en sont des premières illustrations. Enfin, la qualité de ses équipes et son potentiel exceptionnel de croissance sont autant de facteurs qui ont été déterminants dans notre choix. Nous sommes fiers d'être partie prenante d'un secteur d'avenir qu'est l'éducation. »

Avez-vous fixé à l'Ecole des objectifs de rentabilité ?

Jean Eichenlaub : « Nous n'en avons pas fixé. En nous portant candidat, nous avons accepté les objectifs financiers préalablement validés par le conseil de surveillance dans le cadre du plan stratégique de l'Ecole. Déjà, grâce à sa stratégie entrepreneuriale (gestion de l'école comme une entreprise éducative), emlyon avait rejoint le peloton de tête des business schools françaises. Avec notre soutien, elle dispose désormais d'une meilleure capacité pour autofinancer son développement. Nous nous sommes par ailleurs également engagés à ne pas céder nos titres pendant une période minimum de cinq ans. »

Comment ce nouveau modèle vient s'insérer dans le plan stratégique de l'Ecole ?

Isabelle Huault : « L'entrée de nouveaux partenaires au sein de notre gouvernance ne changera pas la stratégie et le positionnement de l'Ecole, mais permettra de les rendre plus efficients et d'accélérer leur mise en œuvre. Les priorités, projets et processus, ainsi que les évolutions nécessaires, ont fait l'objet de longs échanges entre le management de l'Ecole et les investisseurs, afin de renforcer la performance du groupe emlyon et de répondre aux attentes de l'intégralité de ses parties prenantes. Ainsi, nous maintenons le cap de notre plan stratégique early makers 2023, qui comporte trois axes principaux (digitalisation, globalisation, hybridation), et notre volonté de renforcer la vitesse et l'intensité des développements initiés, tout en veillant au maintien de l'excellence académique et de la qualité pédagogique de l'Ecole. Nous avons également comme ambition commune de renforcer la politique d'engagement sociétal et d'ouverture sociale de l'Ecole. Enfin, pour favoriser la préservation de l'équilibre entre les attentes des différentes parties-prenantes de l'Ecole, les salariés (et demain les diplômés) ont également intégré le capital de l'Ecole. »

Concrètement, comment les investisseurs sont impliqués aujourd'hui dans la gouvernance de l'Ecole ?

Jean Eichenlaub : « Sans intrusion dans la gestion, nous accompagnons Isabelle et les équipes de management d'emlyon dans la mise en œuvre d'une stratégie volontariste de développement organique en mettant à disposition nos réseaux et dans le cadre d'éventuelles croissances externes. Notre objectif est d'être un partenaire à l'écoute, pleinement mobilisé et présent aux côtés des diverses parties prenantes, comme la CCI, le corps professoral, les collaborateurs du groupe mais aussi les représentants des alumni. Nous travaillons main dans la main avec l'équipe dirigeante en étant à la fois force de propositions et de recommandations sur certaines orientations stratégiques portées par le directoire. Nous sommes sereins quant au bon développement de cette stratégie. »

In fine, cette opération prend la forme d'un apport en fonds propres d'environ 100 M€ sur les cinq prochaines années : à quels projets ou ressources prioritaires ces fonds vont-ils être alloués ?

Isabelle Huault : « Il est difficile de répondre à cette question à ce stade. Tout en restant alignés sur notre plan actuel, il faut se donner du temps pour consolider les grandes orientations stratégiques qui porteront notre vision commune. Nos investisseurs en sont parfaitement conscients. C'est ce travail qui nous permettra de cibler les projets prioritaires pour préserver et développer notre excellence académique et atteindre nos ambitions. Nous dialoguons avec les investisseurs de manière très constructive et leurs retours sur notre stratégie sont très riches de sens. C'est une véritable chance pour emlyon d'être accompagnée de la sorte. »