L’art de façonner les leaders
emlyon business school transforme l’executive education en un levier stratégique avec des programmes sur-mesure pour accompagner les entreprises dans leur évolution et le mûrissement de leur leadership, à l’image de Capgemini avec le programme Making Leaders.
“Une formation convient pour un individu, mais lorsqu’une entreprise, avec tout son management, vient nous voir, on ne peut pas faire de formation, il faut accompagner une transformation.” Ces mots du professeur Thierry Nadisic, docteur en management, chercheur en comportement organisationnel à emlyon et directeur académique de programmes sur-mesure, sont d’une importance capitale. Ils signifient que pour répondre aux besoins des entreprises, l’executive education ne peut pas se contenter des formations de son catalogue. L’offre de formation continue de l’école s’est dotée de la capacité de répondre aux besoins et contextes particuliers des entreprises pour les aider, comme l’exprime Thierry Nadisic, à se transformer.
Les programmes sur-mesure à emlyon
Au total, plus de 100 programmes de formation sur mesure sont réalisés chaque année par emlyon. Pour les créer, les habituelles transmissions de savoir par un enseignant, ou l’apprentissage par les pairs, ne suffisent pas. Thomas Misslin, chef de projet de programmes sur mesure à emlyon, et Thierry Picq, directeur académique d’emlyon, directeur de l’innovation et professeur de management et ressources humaines, l’expliquent dans un article pour la Harvard Business Review : “Si la pratique du mentorat et de l’échange d’expériences plus ou moins formalisé entre pairs contribue certainement au développement des leaders, ils n’épuisent pas le sujet de l’acquisition de ses fameux soft skills de leadership […]. L’environnement est en effet marqué par de tels changements, imprévisibles et accélérés, qu’il est peu prudent de développer des leaders d’entreprise exclusivement sur la base de recettes ou de pratiques éprouvées dans un contexte souvent déjà dépassé.” En d’autres termes, un contexte mouvant induit le besoin de formations ad hoc. “Un programme sur mesure est comme de la haute couture, coconçu entre l’école et l’entreprise. Nous commençons par un diagnostic stratégique afin de comprendre le positionnement et la stratégie de l’entreprise. Ensuite, nous déterminons les objectifs du programme, sa cible et l’impact attendu. Lors de la phase de conception, nous définissons ensemble les objectifs pédagogiques, le contenu et les intervenants. Après avoir précisé le processus de sélection des participants, l’entreprise valide la maquette”, précise Dr Christine Baldy-Ngayo, doyenne associée à l’executive education. Bien souvent, les programmes sur-mesure s’appuient sur une logique expérientielle : on apprend en faisant.
Capgemini : transformer les managers en leaders

Cette posture a séduit plus d’une entreprise, et notamment la société de conseil et de services informatiques Capgemini. Elle avait entamé en 2018 un processus de transformation interne important visant à développer le leadership de ses managers dans des contextes incertains et changeants. Dès qu’emlyon a été choisie par Capgemini, Thomas Misslin a fait appel à Claire Moreau, professeure affiliée en développement du management et du leadership, consultante et coach chez Humans Matter. “À l’origine, Capgemini avait un modèle de leadership mais avait l’objectif, pour des personnes avec un haut niveau d’expérience, de développer des compétences centrées autour des trois dimensions du modèle de leadership : développer les talents, entreprendre et susciter la créativité et l’innovation, et inspirer et créer de la valeur dans son écosystème.” Armés de ces exigences, ils ont travaillé main dans la main avec Capgemini pour élaborer un nouveau programme de formation spécifique : Making Leaders. “Il s’agit d’un vrai travail d’équipe, on a du mal à distinguer ce qui vient d’emlyon ou de Capgemini”, insiste Claire Moreau. Les équipes d’emlyon et de Capgemini se retrouvent dans deux instances : “l’équipe projet, qui se réunit toutes les quatre à six semaines pour piloter en continu, et le comité de pilotage stratégique, dirigé par le pôle Learning & Development de Capgemini, qui comprend notamment les DRH des entités de Capgemini France ainsi que des alumni du programme” et permet au programme d’évoluer d’année en année, en apprenant chaque fois des promotions précédentes.
Élaborer un programme structuré
“Entre ce que l’on a présenté au départ et coconstruit au fil du temps, le programme a connu beaucoup d’évolutions”, confirme Claire Moreau. Depuis le lancement de Making Leaders en octobre 2018, chaque promotion, ou wave, a fait avancer le programme un peu plus loin, en particulier sur une mission collective dont la direction lui était confiée. “Ils ont neuf mois pour réfléchir à un sujet stratégique de leadership, expérimenter, et préparer le partage de leurs expériences et réflexions”, en plus des différentes sessions avec leurs objectifs pédagogiques spécifiques. Bien sûr, le programme Making Leaders suit une structure précise. Pour commencer, une convention de lancement sert à apporter une vision du programme, de ses enjeux et modalités. Les participants sont répartis en groupes de dix leaders, nommés les “cohortes”, pour assister aux trois sessions présentielles de deux jours, réparties sur neuf mois. La première session, Making interactive leaders, “aborde la capacité de chacun à s’adapter et à être flexible, à interagir de façon positive avec son écosystème et à développer son intelligence émotionnelle en utilisant les émotions comme des ressources”, explicite Claire Moreau. La deuxième session, Making innovative leaders, est axée sur la créativité et la mobilisation de l’intelligence collective nécessaire dans des environnements complexes et incertains, pour “aller chercher de nouvelles idées et prendre des décisions stratégiques le plus en conscience possible. Pour cela, on a besoin de travailler en coopération”, souligne Claire Moreau. Enfin, la troisième session, Making inspiring leaders, propose des leviers pour “développer, motiver, fédérer une équipe ou un collectif, par la responsabilisation, le pouvoir d’agir et le sens”.
Apprendre en faisant : une approche marquante

Ces différentes sessions, animées par une équipe de coachs et professeurs affiliés, développent des compétences, mais aussi “une confiance, une ouverture aux autres et une capacité à partager qui sont très importantes”. L’approche expérientielle adoptée est plus riche en enseignements et permet de se nourrir des situations réelles des apprenants. Entre les sessions, des vidéoconférences régulières et des “action tips” hebdomadaires facilitent la mise en pratique des apprentissages et maintiennent les participants engagés. Pour Nicolas Dignoire, directeur sécurité et chef de l’unité de cyberdéfense chez Capgemini qui fait partie des plus de 800 alumni ayant suivi le programme Making Leaders, “l’un des points forts du programme est l’approche par la pratique : on fait, on essaie, on échoue, on restitue, on recommence. Lors des ateliers pratiques, on réalise l’efficacité de ce qui est enseigné. On le constate sur soi, sur les autres, on peut le tester tous les jours”. Autres points forts pour Nicolas Dignoire, “la finesse de l’encadrement”, et la dernière étape du programme, à savoir la convention d’envol qui donne la certification et encourage une évaluation par ses pairs plutôt que par les formateurs. Johan Bailleul, Group Employee Relations Lead chez Capgemini, de la sixième promotion Making Leaders, partage cet avis : “C’est la convention d’envol, le dernier jour, qui m’a le plus marqué. On se retrouve à plus de 150 leaders et on peut voir le chemin parcouru par chacun, le travail de sa cohorte et comment les autres réagissent à ce que l’on a à leur proposer. L’addition de tout cela fait que l’on ressent un niveau d’énergie positive sur cette journée que j’ai rarement éprouvé ailleurs.” Après le programme, Nicolas a ressenti une meilleure confiance en lui : “On met des mots sur ses instincts, on assume ce que l’on est. Ce qui était différent n’est plus incompréhensible ou illisible, cela devient logique, et on a des outils pratiques pour se recentrer, canaliser son énergie et adapter sa posture.” De son côté, Johan a perçu aussi qu’il avait changé : “J’ai fait évoluer beaucoup de choses dans ma manière de manager et d’interagir. J’ai adapté ma communication et suis également plus à l’écoute des émotions, des autres comme des miennes : je verbalise ce que je peux ressentir. Je suis une version un peu améliorée de moi-même, et on continue à apprendre, ce n’est pas terminé !”
Une méthode made in emlyon
Making Leaders est une réussite saluée par de multiples prix. La formation coconstruite avec des équipes de Capgemini s’appuie sur une méthode bien spécifique, élaborée par des chercheurs et chercheuses d’emlyon, développée dans l’ouvrage Transformer le management : la démarche Grand 8. “Pour une transformation, une approche active est nécessaire. Je me suis donc inspiré des pratiques et des recherches existantes, mais aussi de l’état de l’art en coaching. Avec mes collègues, nous en avons fait une synthèse”, explique Thierry Nadisic, qui a dirigé l’ouvrage. Les bases du Grand 8 étaient posées, avec trois dimensions capitales : la pédagogie se fait par l’action, comme c’est le cas pour Making Leaders, par le décentrement de soi-même pour apprendre à se centrer sur le pouvoir d’agir du collaborateur, et “on n’apprend pas seul, mais relationnellement, avec un groupe de pairs” : les cohortes chez Capgemini. “Nous ne sommes pas des consultants mais des experts de la transformation comportementale. Intervenir sur les comportements, en particulier sur le management et le leadership, demande la préexistence d’une vision de l’entreprise, une stratégie”, ajoute Thierry Nadisic, pour qui la méthode du Grand 8 permet un impact sur la transformation culturelle, c’est-à-dire les compétences et comportements “Toute entreprise a une culture, notamment managériale. Nous les aidons à en prendre conscience et à la formaliser. Pour se transformer, et évoluer, il est important de savoir d’où l’on vient. Une fois que l’on a pris conscience de sa culture, on met au point un modèle managérial, avec ses compétences clés”, précise Thierry Nadisic. Réussir la transformation voulue reviendra à atteindre ce modèle de leadership, dans l’idée comme dans les actes. Avec le Grand 8, les compétences recherchées chez un leader se traduiront en comportements concrets.
Un modèle éprouvé
Le modèle managérial défini ainsi est l’un des quatre principaux axes du Grand 8, chacun étant divisé en huit composantes, d’où le nom de cette méthode qui fait également référence aux hauts et bas du manège à sensations. Un autre axe est celui de la coopération de toutes les parties prenantes au programme, et un autre encore ce que Thierry Nadisic appelle “les principes actifs”, par exemple le principe d’autonomie des participants. Enfin, le dernier axe, pédagogique, contribue à donner à un programme sa forme. C’est à cet axe, au cœur de la démarche du Grand 8, que Making Leaders doit son kick off de départ, les ateliers pratiques, les groupes de pairs, la mission collective ou la fameuse convention d’envol et son processus de la reconnaissance par les pairs. Cet axe est concrétisé par des outils qui fonctionnent en synergie (intranet, ateliers, conférences, articles, vidéos, nudges, etc.). Ce qui fait la force de cette méthode, ce ne sont pas tant ses différents éléments que la cohérence de l’ensemble au service du changement. Thierry Nadisic le reconnaît : “Jamais auparavant ces axes et leurs composantes n’avaient été mis ensemble de manière systémique, avec une vision globale pour apporter de la cohérence, de la force, de la rigueur et activer des énergies individuelles et collectives.”
Article initialement publié dans l’édition #5 du magazine « le fil », le magazine emlyon alumni - mai 2025