Innovation : quand les grands groupes s’inspirent des start-ups

Auparavant centrée sur l'amélioration de la performance économique, l'innovation intègre aujourd'hui des enjeux RSE. Cette nouvelle approche requiert de l'agilité et de la réflexion. Les entreprises sont appelées à suivre de près les mutations du marché et les bouleversements technologiques, en particulier dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). Les start-ups, souvent en première ligne de cette évolution, ont la culture et l'agilité organisationnelle nécessaires à l'innovation. Alors, comment se rapprocher d'elles pour s'inspirer de leur capacité à innover ?

L'innovation est la clé de voûte du développement des start-ups, ces jeunes entreprises portées par une croissance rapide. Confrontées à des défis uniques et à la concurrence d'entreprises de toute taille, elles possèdent des ressources humaines et financières limitées. Leur capacité à innover conditionne donc leur compétitivité.

Être agile, identifier les signaux faibles, encourager la créativité et la prise de risque, tolérer l'échec, anticiper les ruptures et tout ce qui challenge les modèles économiques… sont autant de briques nécessaires à la création d'une culture de l'innovation. « Les entreprises innovantes sont souvent celles qui invitent les salariés à sortir de leur zone de confort tout en créant un climat de confiance. De cette façon, les porteurs de projets innovants ont moins peur de l'échec et osent se lancer », analyse Noémie Rondeau. « Le fait que les entreprises établies s'ouvrent à cet écosystème, dans une démarche d'open innovation – ou innovation ouverte - permet de s'inspirer de cette philosophie pour innover. » Pour Michel Coster, l'enjeu clé du développement des entreprises, est de savoir accélérer le process d'émergence ou de consolidation d'innovations dans la perspective cruciale de créer des relais de croissance. « Il s'agit de savoir mettre en place des dispositifs de labs ou incubateurs internes pour favoriser des lieux d'échange d'idées internes et externes en élargissant le cercle des générateurs d'innovations aux startups, organismes de recherche, clients, fournisseurs, experts. On parle ici d'open innovation inscrite dans une dynamique d'écosystème et d'environnement startup. On fait aussi référence au fait de mettre en place un dispositif interne d'accélération privilégiant une posture intrapreneuriale où des salariés porteurs de projets innovants sont mis en position de permettre la transformation des idées en business grâce à un système de soutien, de facilitation ou de challenge. » explique Michel Coster.

Comment les entreprises établies peuvent-elles procéder pour se rapprocher des start-ups ? Certaines grandes entreprises peuvent s'appuyer sur des fonds de corporate venture, des entités dédiées qui investissent au capital de start-ups dans des domaines généralement connexes aux activités de l'entreprise. « C'est un bon moyen de chercher des relais de croissance et ça permet aux jeunes entreprises d’augmenter leur capital grâce à un investissement extérieur », explique Noémie Rondeau.

Une entreprise peut également choisir de créer sa propre structure d'incubation ou d'accélération, avec la possibilité de faire interagir ses collaborateurs avec des startupers mais aussi d'accompagner des porteurs de projets internes qui auraient des idées innovantes. « C'est la stratégie qu'a choisi d'adopter Cegid, éditeur de solutions de gestion, en créant un programme de masterclasses et en intégrant des start-ups dans son propre incubateur à Station F », cite la program manager.

Enfin, autre solution possible : le knowledge brokering, une méthodologie qui consiste à se nourrir des retours d'expérience d'entreprises issues de secteurs ou métiers différents. Par exemple ? Une banque qui rencontre des difficultés à ouvrir des filiales à l'étranger peut s'inspirer d’une chaîne de restauration qui a réussi le pari de se développer à l’international. Étonnant mais efficace !

Animés par la volonté de s'engager dans une démarche pionnière d'innovation hospitalière, les Hospices civils de Lyon (HCL) ont sollicité emlyon afin de les accompagner dans la montée en compétences de praticiens hospitaliers porteurs de projets innovants et de les former à l'entrepreneuriat. Cette collaboration a donné lieu au programme sur mesure Management de projets innovants (MPI), conçu par l'accélérateur d'emlyon. Centré sur la sensibilisation aux enjeux de l'innovation en santé et sur le développement de compétences en gestion de projet et en management, le programme a bénéficié d'une approche pluridisciplinaire, mêlant théorie académique, expertise pratique des professionnels de santé et expériences d'entrepreneurs de la MedTech. Grâce aux dispositifs mis en œuvre, une dizaine de professionnels de santé ont pu être accompagnés. En 2023, le programme MPI a remporté le prix « coup de cœur » de la Fédération hospitalière de France. Cette collaboration a ouvert la voie à de nouvelles méthodes et solutions visant à améliorer les parcours de soin, faisant des HCL un modèle pour d'autres établissements de santé intéressés par l'open innovation. « La dynamique entrepreneuriale ainsi mise en mouvement va favoriser l'émergence et la diffusion de nombreuses solutions médicales au profit des patients et du monde hospitalier ! » s'enthousiasme Michel Coster.

S'il est avéré que l'innovation améliore la compétitivité, elle a aussi pour externalité positive de jouer un rôle clé dans l'attraction et la rétention des talents. (War for Talents – how perceived organizational innovativeness affects employer attractiveness – Luise Pauline Sommer, Sven Heidenreich and Matthias Handrich)

La valorisation de l'innovation rime en général avec un environnement de travail dynamique, où chacun peut développer des projets inspirants. Une agilité qui peut aussi se répercuter sur des sujets tels que la qualité de vie au travail, la flexibilité de l'organisation, une stratégie de réduction de l'empreinte carbone, etc. À la clé ? Une amélioration de l'engagement collaborateur, au bénéfice de la productivité et du rayonnement de la marque employeur. « C'est un facteur différenciant qui monte en puissance, en particulier auprès des salariés de la Gen Z qui n'ont plus les mêmes attentes que leurs prédécesseurs vis-à-vis du marché du travail », souligne Noémie Rondeau.

En s'inspirant de l'agilité inhérente aux start-ups, les entreprises établies peuvent donc faire de l'innovation un levier d'adaptation aux évolutions du marché, mais également une clé pour attirer et retenir les meilleurs profils. « C'est aussi l'occasion de travailler efficacement à la rétention des talents innovateurs qui vont être en mesure de transformer l'entreprise » indique Michel Coster. En résumé, faire de leur capacité d'innovation un avantage concurrentiel indéniable.