Concilier business et impact positif, c'est possible
Publié le 18.02.2021
Créer un business respectueux de l'environnement et des Hommes tout en étant rentable et performant. C'est possible. Et c'est même l'avenir des entreprises. Explications avec Alain Fargeon, dirigeant de Jon Spakers et responsable pédagogique du certificat "Faire converger business et impact positif" issu de l'Executive MBA à emlyon business school.
Qu'est-ce que l'impact positif en matière de business ?
Alain Fargeon : C'est le fait de créer un business respectueux de l'environnement, des Hommes, de la nature, de la planète. Il ne s'agit pas seulement de limiter son impact négatif ou de le compenser. Mais de maximiser son impact positif avec une activité qui sert l'intérêt et le bien commun. Tout en étant rentable.
Pourquoi les entreprises doivent-elles s'intéresser à cet impact positif ?
A.F : De nombreux défis se présentent à nous : protection de l'environnement, le changement climatique qui impliquera des crises migratoires, l'inclusion, le respect de la biodiversité… Tous ces changements ont un impact sur les Hommes et au final sur l'économie. Les réglementations vont se durcir, les marchés seront chahutés et les entreprises qui n'ont pas réfléchi à ces questions avant seront remises en question. Demain, la valeur d'une entreprise se mesurera à son impact positif. Des investisseurs se basent déjà sur ces indicateurs dans leurs choix. Ce virage est à prendre. On parle d'économie régénérative. Une entreprise qui se contente de limiter ses impacts négatifs, c'est déjà bien, mais elle est déjà très en retard.
Cela implique de changer de business model pour certaines, comment faire ce pivot ?
A.F : En effet, elles doivent challenger leur business model pour faire autrement. La difficulté, pour de nombreuses PME, est de sortir la tête du guidon pour dédier du temps et des ressources à l'exploration. Tout en préservant l'activité actuelle. Il faut challenger son rapport au temps, se projeter sur un horizon lointain et se donner les moyens d'explorer et le droit de se planter. Certaines ont pris conscience de la nécessité de le faire mais ne savent pas par où commencer. D'autres sont encore sceptiques. La durabilité et l'impact positif sont le fruit d'un cheminement personnel.
Les discours ambiants anxiogènes ne donnent pas toujours envie de se lancer …
A.F : C'est vrai que les messages catastrophiques n'incitent pas à l'action. Mieux vaut se concentrer sur les approches inspirantes, les initiatives positives qui font bouger les lignes. Et il y en a ! Elles montrent que cela est possible et surtout que c'est reproductible.
Pouvez-vous nous en citer ?
A.F : La MAIF a, par exemple, valorise les pièces automobiles recyclées. Les assurés peuvent ainsi se tourner vers des pièces de voiture issues du recyclage et d'un réseau de recycleurs agréés au moment de la réparation. Les particuliers font ainsi des économies et une filière vertueuse s'organise autour du recyclage automobile. Cela évite de surproduire des pièces automobiles alors que les casses sont pleines de matériaux encore utilisables. Le business model est challengé progressivement.
Est-ce plus facile d'intégrer l'impact positif dès la création de l'entreprise ?
A.F : Oui, d'ailleurs les start-up sont nombreuses à prendre en compte leur impact dès leur lancement. J'accompagne ainsi une start-up qui fabrique des vêtements de confort pour les personnes qui suivent une chimiothérapie. Elle s'est, dès sa création, appuyée sur l'économie circulaire afin de donner une deuxième voire une troisième vie aux vêtements. Cela implique de proposer un service et une expérience client différents pour accompagner le traitement dans la durée. C'est d'autant plus intéressant que la réglementation se met déjà en place sur ces sujets. La loi contre le gaspillage et l'économie circulaire va, à terme, imposer ce type d'approche.
Le statut d'entreprise à mission est-il un signe encourageant ?
A.F : Bien sûr, comme la RSE, cela va dans le bon sens. Ce statut permet d'écrire et de suivre les objectifs de l'entreprise, avec un comité qui vérifie que la mission est bien définie. Mais je ne crois pas que ce soit indispensable. On n'a pas besoin d'être une entreprise à mission pour faire attention à son impact et décider de s'inscrire dans la recherche de bien commun.
Par qui ce changement doit-il être incarné dans les entreprises ?
A.F : On a tous une part de responsabilité. Dirigeants, managers, investisseurs, clients, salariés… À travers le Certificat "Faire converger business et impact positif" à emlyon business school, nous participons à initier ce changement de mindset chez les managers de demain. Ils peuvent ensuite sensibiliser leurs collaborateurs et leur direction à ces questions, leur montrer que oui, c'est possible. Et décrypter les enjeux qui se présentent. Les leaders de demain doivent être le moteur de ce monde qui bouge. Gare à l'attentisme. Il ne se passera pas quelque chose de magique.
Comment s'organisent les enseignements au sein du certificat ?
A.F : Nous sensibilisons les participants afin qu'ils aient cette prise de conscience, qu'ils repensent leur rapport à la nature et à l'autre. Nous les aidons à identifier et analyser des modèles à impacts, à se raccorder au vivant et à avoir une approche régénérative de l'économie, de la société et de la planete. Une journée d'hackathon est également organisée en partenariat avec plusieurs ONG ou associations sur nos défis de société (climatiques, biodiversité, crise migratoire, modèles économiques régénératifs, inclusion…). Ils découvrent des démarches de sensibilisation à travers le journalisme de solutions, la capacité à imaginer des futurs souhaitables avec le design fiction, des démarches d'innovation centrées sur l'humain avec le design thinking... Ils développent ainsi leur coefficient empathique, systémique, et éthique.
Une nouvelle façon de voir le monde et de devenir des activistes du changement pour inspirer le passage à l'impact.