Apprendre ou mourir. Le titre de ce célèbre ouvrage d'Edwards Hess ne s'est jamais avéré si pertinente. Dans un contexte d'incertitudes et d'imprévisibilités croissantes, apprendre en continu est un impératif « vital » pour les individus (développement/mise à jour des compétences, employabilité), comme pour les organisations (s'adapter à de nouvelles technologies, à des évolutions de marchés, répondre à des crises…).
« L'illettré du futur ne sera pas celui qui ne sait pas lire, mais celui qui ne sait pas comment apprendre, désapprendre et réapprendre ». (Alvin Toffler)

Les multiples conceptualisations autour de l'entreprise apprenante ont permis une forte prise de conscience de cet enjeu. Parmi les différentes grilles de lecture, reprenons celle qui invite à concevoir l'apprentissage (individuel et organisationnel) selon des boucles à au moins 3 niveaux.

  • L'apprentissage en simple boucle, qui consiste à modifier une façon d'agir (individuellement ou collectivement) pour rectifier des erreurs ou faire évoluer des comportements, mais sans changer les règles, normes et valeurs directrices qui encadrent cette action. L'apprentissage prend la forme d'une amélioration dans le cadre d'un système donné.
  • L'apprentissage en double boucle lui, consiste à remettre en cause, questionner et faire évoluer les règles, normes, croyances et principes qui sous-tendent l'action, quand celle-ci n'apparait plus comme suffisamment performante. Il ne s'agit plus d'améliorer des pratiques mais de changer le cadre de référence pour pouvoir développer des réponses complètement nouvelles.

A titre d'exemple, l'amélioration continue (simple boucle) des vaccins pour la grippe s'inscrit dans le principe de déclencher une réponse immunitaire protectrice à partir de l'injection d'un agent infectieux atténué. Pour répondre de façon rapide à la crise du Covid, les ARN messagers, plus simples et plus rapides à produire, constituent un changement de paradigme immunitaire (double boucle), qui consiste à laisser nos cellules fabriquer elles-mêmes le composant contre lequel notre organisme va apprendre à se défendre.

Mais il existe une 3ème boucle d'apprentissage, souvent méconnue. (Argyris et Schön (2002) Bateson, 1942) qui met l'accent sur la possibilité « d'apprendre sur comment on apprend », ou « d'apprendre à apprendre ». On touche ici des compétences de métacognition, c'est-à-dire une capacité à « penser sa propre façon de penser ».

tirer des leçons d'une mission, réussie ou ratée

Dans l'armée de l'air par exemple, les débriefings post-mission sont systématiques et très sophistiqués. Ils consistent à tirer des leçons d'une mission, réussie ou ratée. Mais ils font l'objet également de « débriefing du débriefing », c'est-à-dire d'une analyse rigoureuse non pas du contenu de la mission, mais de la façon dont le débriefing de la mission s'est déroulé, sur le plan de la méthode comme des pratiques et comportements au sein de l'équipe. Le but est de permettre d'envisager en permanence des façons toujours plus efficaces d'apprendre.

Dans un monde devenu imprévisible, où il ne s'agit plus d'apprendre les recettes du passé pour les appliquer, mais bien d'apprendre à s'adapter et à imaginer des réponses nouvelles, nous devons nous entrainer à ce 3ème niveau d'apprentissage, pour prendre du recul sur nos perceptions, croyances et modèles mentaux et à les remettre plus facilement en cause.

Si l'on coud les paupières d'un chaton à sa naissance et si quelques semaines plus tard on les découd, on s'aperçoit que l'animal ne peut plus voir, bien que l’ensemble de ses facultés oculaires soient intactes. Il est non seulement incapable de reconnaitre les formes mais il est de plus hors d’état d’apprendre à voir. C’est donc en voyant que le chaton apprend à voir. Cette édifiante expérience (Gaudin, 1985) nous enseigne que c’est en multipliant les efforts de développement de ce 3ème niveau d’apprentissage que les individus comme les entreprises pourront acquérir une capacité « d’apprendre à apprendre ».

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Cet article a été rédigé par Thierry Picq, Professeur à emlyon business school.
Il a été publié dans le livre blanc myRHline
"Comment devenir une entreprise apprenante".

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